Ambiance
Roots. Variété oubliée. Et Johnny Hallyday renaît. Tel
le phénix que Johnny incarne depuis toujours. S'avouant un
peu perdu au milieu de ses dernières créations, l'Idole
voulait retourner aux sources de la musique qu'il aime, aux
sources du rock'n'roll. C'est à dire le Blues.
Et quoi de mieux pour démarrer cet album thématique que
cette chanson sur "Monument Valley", en plein désert,
près de chez Johnny, à LA.
"Ici la terre est rouge
De tout le sang versé
Sous mes pieds le sol bouge
A Monument Valley
[...]
Les hommes venus de l'Est
S'apprêtent à massacrer
La vie sauvage la vie de l'Ouest
La seule qui me fait rêver"
Bénéficiant
de la guitare "dobro" de Keb'Mo et des choeurs de,
entre autres, Slim Batteux, cette chanson à la composition
musicale dépouillée ferait rêver n'importe qui. Oui, on
s'y croirait, en plein milieu d'un camp indien. Et qui plus
est avec les superbes images du clip, Johnny en Harley,
terre navajo, Monument Valley. Un brin d'harmonica, la voix
sublime de Johnny Hallyday, et tout est parfait. Yvan Cassar
(piano, orgue, et réalisation de l'album) et Laurent
Vernerey (basse, contrebasse) ne s'y sont pas trompés en
composant ce titre.
Ni
sur "Etre un homme", dont on a pu voir dans le
documentaire "Au coeur de l'album" que Johnny
avait eu du mal à l'enregistrer. Ce mal que le Grand s'est
donné n'était pas vain; la chanson est magnifique.
"Toute la musique que j'aime, elle vient de là,
elle vient du Blues"
Qui ne connaît pas ces
"vers" célèbres de Michel Mallory, vieux
complice de Johnny (qui sort d'ailleurs prochainement un
album en corse qui comprend un duo avec Johnny Hallyday) ?
L'Idole des jeunes ne pouvait pas enregistrer un album de
Blues sans lui, c'eût été infidèle. Fidèle en amitié,
Johnny l'est. Et Mallory a très bien réussi son clin
d'oeil à "la musique que j'aime" avec ce
"Chavirer les foules", basé sur la même ligne
musicale que sa grande soeur. Le texte fait mouche ("La
voix d'un chanteur qui se brise, sous le soleil d'un
projecteur, un gospel au fond d'une église, une guitare qui
improvise, sur un vieux blues en mi majeur, ça, ça fait
chavirer les foules"), et parfaitement introduite
par la dobro de Freddy Koella, cette chanson est une réussite.
On rêve même de voir ce titre faire, justement, chavirer
les foules, au Stade de France, avec pourquoi pas, Mallory
à l'harmonica aux côtés du Phénix.
Johnny
a 64 ans. Et il y pense. Ne craignant pas de faire de la
Harley sans casque sous le soleil du désert américain ou
dans les rues de LA, ni de s'embarquer à 200 à l'heure
dans des rallyes de folies, non, Johnny s'inquiète
simplement du temps qui passe.
Et il tente une personnification de la mort en l'appelant
dignement et un poil ironiquement "Madame".
"Vous Madame, ne m'attendez pas, j'ai encore
tellement de choses à voir, il est trop tôt pour notre
rendez-vous, revenez plus tard"
Servi
par les magnifiques choeurs (Amy Keys, Alain Couture,
etc...), et cette fin solo ad libitum avec Doyle Bramhall
II, cette chanson donne le frisson.
Fred Blondin avait déjà composé plusieurs chansons pour
le "chanteur abandonné" ("Dis-le moi"
en 2002, "Mon plus beau Noël" en 2005), mais
jamais de la qualité de ce "Je reviendrais dans tes
bras" et ce "laquelle de toi". Avec un excellent
casting (Paul Personne à la 6-cordes solo, et Abraham
Laboriel Junior aux drums, "Senior" étant à la
basse (Johnny le considère comme le meilleur bassiste du
monde), ce "Je reviendrai dans tes bras" fait
mouche.
L'ancien batteur du Stade de France 98 et actuel musicien de
Paul Mc-Cartney, Laboriel Jr gratifie Johnny d'un jeu de
batterie formidable. En effet, alors que le blues part sur
un rythme lourd, mais lent, pas encore démarré, Laboriel
le lance avec ses croches tout en crescendo sur sa caisse
claire, qui commencent à partir alors que Johnny est
toujours dans son couplet, cela à 2 reprises car coupées
la 1ère fois par un coup de grosse caisse. Cela reprend, et
c'est parti "Je reviendrai dans tes bras". Ce
formidable toucher nous fait imaginer un homme en train de
parler à sa bien-aimée au comptoir d'un bar, se jetant
brusquement dans ses bras, écarté malencontreusement la
première fois par un serveur trop pressé. Deuxième
tentative, et cette fois-ci, c'est la cymbale, la crash, la
réussite de la tentative tellement espérée.
Johnny
Hallyday a connu dans sa vie de nombreuses déchirures. La
dernière datant de la perte de sa mère, celle qu'il a peu
connu durant son enfance, et dont il ne se rapprochera que
plus tard, au fil des ans. Jean-Philippe Smet se devait,
pour sa maman, de lui dédier une chanson dans cet album.
Peut-être la plus belle, en tout cas, la plus forte émotionnellement.
Ce "Que restera-t-il" qui a fait couler les larmes
à Yvan Cassar lors de la première prise en studio, et
certainement à bon nombre de fans lorsqu'ils l'écoutent.
L'émotion véhiculée par la voix de
Johnny
sur cette chanson n'est pas retranscriptible..."Que
restera-t-il, de ma voix devant l'Eternel". Lorsque Johnny Hallyday rencontre un
des plus grands écrivains français (Marc Lévy) et l'un
des meilleurs bluesmen du monde (Taj Mahal), cela donne...un
grand Blues. "T'aimer si mal", composé par Yvan
Cassar, est un blues très typique années 50. Et c'est
"Zlap" qui donne le ton avec son harmonica, puis
la guitare de Taj Mahal, et les voix de Johnny puis Mahal
qui nous fait la surprise de chanter (et en français !)
avec JH. C'est après avoir entendu "La guitare fait
mal" (composé à Johnny il y a plusieurs années par
Tony Joe White, également présent sur cet album dans
"Je reviendrai dans tes bras") que le bluesman
avait eu envie de chanter avec l'Idole des français,
malheureusement connu outre-Atlantique que du le milieu
musical. Un grand Blues !
Johnny
aime avoir ses amis autour de lui. D'ailleurs, qui d'autre
qu'un ami peut le mieux parler de vous dans une chanson ?
Voilà pourquoi Johnny a demandé à son ami acteur fan de
football et de rock'n'roll Bruno Putzulu de lui écrire une
chanson. Cela a donné "Ma Vie", composé par le
tandem Cassar-Vernerey.
"Mais où sont tous ces gens que j'aimais, je serai
seul à tous jamais,
Tout ce temps qui fuit ne revient pas, comme un voleur loin
il s'en va"
Souvent,
dans sa carrière, Johnny a lancé des appels interposés à
Francis Cabrel, comme dans une interview accordée en 1996
au moment de "Lorada Tour" à Jean-François
Chenut pour Infomatin, il avouait rêver travailler sur un
album avec le compositeur de "Je l'aime à
mourir". Depuis toujours, Johnny aime les compositions
de F.Cabrel, et en particulier "Sarbacane", qu'il
reprend dans "Le coeur d'un homme" dans une
version sublime, qui devrait plaire à son créateur. Johnny
a voulu donner à cette chanson un esprit far-west, et l'a
faite un peu plus électrique avec Doyle Bramhall II aux
soli.
Dans
"Ce que j'ai fait de ma vie", Johnny Hallyday fait
monter sa voix dans le rouge comme rarement dans cet album
(du moins plus rarement que dans les précédents albums),
une voix sublime comme absolument tout au long de cet album,
de la première à la dernière note, Johnny a été très
perfectionniste pour cet album qu'il affectionne tout
particulièrement. Seul regret qu'on peut avoir sur cette
chanson, la présence des violons, totalement inutiles sur
ce titre, et qui gâchent un peu le plaisir des oreilles.
U2 et Johnny réunis, qui l'aurait cru ? Bono a tenu à être
présent sur cet album blues lorsque Johnny lui a
annoncé
son intention d'en faire un, lors de la tournée hallydéenne
à l'été 2006. Le leader des U2 a tenu parole avec "I
am the Blues", un blues plus "urbain;
citadin" que le reste de l'album comme le dit Johnny
lui-même. Qu'importe ! D'une, une chanson de Bono, ça ne
se refuse pas; et de deux, c'est une chanson exceptionnelle,
où l'on retrouve un Johnny
inattendu
! On croirait entendre U2 lorsque l'on passe le cd sur sa
dernière piste et que l'on entend: "Help me, help me
realise, I just forgot the colour of my own eyes" ;
Johnny a su adapter sa voix au "style U2", au
style Bono, et rien que cela rend la chanson formidable. I
AM THE BLUES
De plus, cette chanson colle parfaitement à la peau de
Johnny H. Le blues, c'est lui; il symbolise à lui tout seul
ce sentiment. Les joies, les peines, les souffrances, les
désespoirs...
Au final, un album sublime comme Johnny Hallyday n'en avait
pas fait depuis longtemps. Le meilleur depuis 10 ans, assurément.
Un casting exceptionnel, avec des musiciens aux talents
hors-normes, des guests-stars de génie, des textes simples
mais efficaces, comme le demande le Blues, comme le voulait le
Patron, des compositions collant bien au blues qu'avait envie
de faire le Boss, un blues qui n'est ni "pur", ni
"country blues", ni "blues rock", un blues
qui fait tout simplement partie désormais du genre unique
qu'est la "Hallyday Music".
Mais
tout cela ne serait rien, sans l'élément le plus essentiel
qui soit dans la conception de cet album...